[Article] - Retourner l'aimantation pour intervertire les pôles d'un aimant, est plus efficace quand c'est fait (très) vite.
L'utilisation du magnétisme (du spin) dans les technologies permet un nouveau degree de liberté par rapport à l'électronique conventionnelle, ainsi que de nouvelle fonctionalités. En particulier, l'utilisation du spin pourrait servir à développer des dispositifs plus rapides et frugales. Un point primordial pour augmenter la vitesse des dispositifs spintroniques est donc de pouvoir manipuler des aimants dans la gamme des THz et de bien comprendre la physique en jeu.
Pour ce faire, des chercheurs se sont intéressé au retournement de l'aimantation par couples de spin-orbite. Ce phénomène permet de retourner l'aimantation d'une couche magnétique en faisant passer un courant électrique à travers la couche, en exploitant des phénomènes dits de "spin-orbite". En 2020, l'équipe démontrait la possibilité de retourner l'aimantation d'une fine couche de cobalte à l'aide d'une seule impulsion de 6 picosecondes, tout un record de vitesse [1]. Dans cette étude ils ont aussi démontré que le retournement était bien dû à des couples de spin-orbites ultra-rapides. Depuis, une question centrale restait sans réponse : Quelle est l'énergie nécessaire pour ce retournement avec des impulsions aussi courtes ? Bien que rapide, est-il encore économe en énergie ?
Pour répondre à cette question simple, les chercheurs ont dû développer une méthode pour caractériser finement l'amplitude de leurs impulsions ultra-courtes in-situ, c'est à dire, dans leurs guides d'ondes micrometriques qui transféraient l'impulsion dans l'échantillon magnétique. Ce travail [2], leur a permis de mesurer l'énergie porté par les impulsions électriques dans le régime picoseconde. Dans ce dernier travail [3], ils ont étendu la durée des impulsions jusqu'à dans le domaine des microsecondes en combinant plusieurs techniques différentes, et ils ont étendu l'étude à d'autres matériaux ferromagnétiques et ferri-magnetiques. Le résultat, une étude sur plus de 7 ordres de grandeurs en durée d'impulsions, sur 3 différents matériaux, qui montre une tendance universelle sur la consommation d’énergie : Plus l'impulsion est courte, et plus le gain énergétique est grand ! De plus les chercheurs ont comparé la consommation énergétique en utilisant des impulsions de courants et des impulsions de lumières, un autre phénomène connu sous le nom de retournement tout-optique de l'aimantation. Là aussi, les chercheurs ont démontré que les impulsions électriques picosecondes étaient plus économes en énergie. Finalement, un travail de simulations numériques leur a permis de comprendre que plus l'impulsion deviennent courte, et plus le retournement va devenir coherent, c'ést à dire que l'aimantation de toutes les différentes parties de l'échantillon auront la même exacte dynamique (comme les musiciens synchronisés dans un orchestre).
Ce travail propose une nouvelle façon d'étudier le retournement de l'aimantation sur des gammes d'impulsions allant du Hz au THz. Les résultats montrent une tendance générale pour l'efficacité énergétique dans 3 échantillons de nature extrêmement différentes. Ces résultats sont prometteurs dans le cadre du projet PEPR TOAST, car ils montrent que la manipulation d'information magnétique par des ondes THz est possible sur plusieurs systèmes, et toujours frugal.
Auteurs de l’article :
Eva Díaz, Alberto Anadón, Pablo Olleros-Rodríguez, Harjinder Singh, Héloïse Damas, Paolo Perna, Martina Morassi, Aristide Lemaître, Michel Hehn & Jon Gorchon.
Référence de l’article :
[1]-Jhuria, et al. Spin–orbit torque switching of a ferromagnet with picosecond electrical pulses. Nat Electron 3, 680–686 (2020)
[2] -Eva Díaz, et al. Calibration of terahertz sampling detectors for intense unipolar picosecond current pulses in waveguides. Appl. Phys. Lett. 2 October 2023; 123 (14): 141106
[3] Eva Diaz et al., Energy-efficient picosecond spin–orbit torque magnetization switching in ferro- and ferrimagnetic films. Nature Nanotechnology, 2024.
DOI :