[Hommage] Christian Janot, ancien directeur du Laboratoire de Physique des Matériaux (LPM)

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Christian Janot nous a quittés le 23 février 2022. Ancien directeur du LPM, l’un des laboratoires fondateurs de l’IJL, il a initié de nombreuses thématiques toujours étudiées au sein de notre laboratoire. Ses anciens collègues, Bernard George, Pierre Guilmin et Philippe Mangin, lui rendent ici hommage.

Né en 1936, Christian Janot a obtenu une licence de physique et une licence de mathématique à la faculté des sciences de l’Université de Dijon. Entré à l’Institut de Physique au laboratoire du Professeur Hadni, avec qui il a par ailleurs signé plusieurs publications sur la spectrométrie dans l’infrarouge lointain, il a soutenu en 1963 une "première" thèse de docteur es Sciences intitulée "Etudes optiques en basse fréquences : diffraction par les réseaux Echelettes et absorption secondaire des cristaux cubiques".

Sa "deuxième" thèse, essentiellement bibliographique, qui, à l’époque, était soutenue simultanément à la première afin de s’assurer de l’ouverture scientifique du candidat, s’intitulait : "Les variations relativistes de la fréquence dans un champ de gravitation".

Outre les professeurs Jean Barriol et Armand Hadni, qui ont joué un rôle clé dans le développement de la physique et la chimie à Nancy, se trouvait dans le jury Georges Champier qui fondait à l’école des Mines le Laboratoire de Physique du Solide devenu plus tard le Laboratoire de Physique des Matériaux, celui-là même qui s’est rassemblé avec quatre autres pour devenir l’Institut Jean Lamour en 2009.

Christian Janot rejoint alors ce nouveau laboratoire où il a forme, avec Georges Champier, Bernard Deviot (tous deux professeurs à l’école des Mines) puis Maurice Gerl, nommé comme lui-même professeur à l’université Nancy I (plus tard université Poincaré), un quatuor qui allait faire de ce laboratoire naissant, un centre de recherche reconnu sur la scène nationale puis internationale.

Les travaux de l’époque portaient essentiellement sur les défauts dans les métaux : défauts ponctuels, dislocations, phénomènes de précipitation. Christian Janot faisait monter au laboratoire un four haute température dans lequel mener l’expérience de Simmons et Balluffi, permettant de déterminer la densité de lacunes par mesure de l’excès de dilatation d’une barre métallique.

Sitôt la construction des locaux de la Faculté des Sciences de Vandœuvre achevée, les équipes de quelques dizaines de personnes qui entouraient Maurice Gerl et Christian Janot migrent dans les bâtiments du premier cycle, puis du second cycle de la faculté, dans les locaux que le Laboratoire de Physique des Matériaux (LPM) occupera jusqu’au déménagement sur le campus Artem. Ainsi le laboratoire est devenu commun aux deux universités distinctes : INPL et Nancy I !

Christian Janot et son équipe développent l’effet Mössbauer, qui s’avère une technique de choix pour examiner l’environnement électronique et magnétique des atomes de fer. Il dirige plusieurs thèses, anime la communauté nationale et internationale, assez étoffée, qui utilise cette technique et laisse un livre de référence que tous connaissent.

Un tournant s’effectue en 1970 avec la venue de Gérard Marchal, qui avait effectué une thèse intitulée "Contribution à l’étude des propriétés électriques du sulfure de zinc en couches minces évaporées sous ultravide" dans le laboratoire du professeur Guillien, un grand spécialiste des semi-conducteurs.
Christian Janot obtient les crédits pour équiper le laboratoire d’un évaporateur sous vide poussé et ils lancent ensemble la fabrication et l’étude des couches minces de métaux qui, à l’époque, était une gageure tant il était "établi" que des couches de métaux ne seraient jamais assez propres pour effectuer des mesures sérieuses.

L’heure était aux alliages métalliques amorphes préparés sous forme massive par des méthodes de trempe rapide. En équipant l’évaporateur de réservoir d’azote liquide maintenant les substrats à basse température, l’équipe introduisit une nouvelle technique de formation d’alliages amorphes, et surtout de nouvelles classes qui n’avaient pu être obtenues par les méthodes conventionnelles. L’étude de ces nouveaux matériaux, par mesure d’effet Mössbauer en particulier, fut un succès et s’en est suivi une série de thèses et une reconnaissance internationale. Fort de cette expérience, le laboratoire fit l’acquisition de nouveaux évaporateurs à vide plus poussé, ce qui a permis la fabrication de super réseaux puis des plots nanostructurés qui sont élaborés aujourd’hui à l’IJL.

Christian Janot et Maurice Gerl ont constitué un duo particulièrement dynamique en organisant des écoles d’été, des congrès, en s’investissant dans les divers comités nationaux. De laboratoire d’Université le laboratoire devint, avec les recherches de pointe menées en parallèle sur le site de l’école des Mines, une uniité mixte de recherche (UMR CNRS-INPL-Université Henri Poincaré).

Le 1er janvier 1978, Christian Janot succède à Georges Champier à la direction du laboratoire, qui rassemble alors une centaine de personnes. Tous ceux qui ont vécu cette époque se souviennent de beaucoup d’enthousiasme et d’une formidable dynamique. En 1982, Maurice Gerl lui succède à la direction du laboratoire.

En 1982, Christian Janot est détaché en qualité de Senior Scientist à l’Institut Laue Langevin à Grenoble (ILL), centre mondial de diffusion neutronique et qui le reste aujourd’hui. Il est en charge d’un ensemble d’instruments de diffusions aux petits angles et diffusion inélastique par temps de vol. Il est chargé de la coordination du groupe, des animations scientifiques et du développement des instruments. Il promeut la technique de diffusion de neutrons dans la communauté nationale et internationale des physiciens et chimistes des matériaux. Arrivé sur un contrat initial de 5 ans, il est prolongé jusqu’en 1991.
Avec plusieurs collaborateurs, il effectue de nombreux travaux sur les quasicristaux et initie leur étude par diffraction de neutrons. Il publie un second livre de référence intitulé "Quasicrystals: a primer".
Il obtient alors un poste de Professeur à l’Université Joseph Fourier de Grenoble avec statut de long term visitor à l'ILL qui lui permet de poursuivre ses travaux consacrés à l’étude des quasicristaux.

Il prend sa retraite en 1997. Il a, au cours de sa carrière, passé plusieurs années comme invité dans des laboratoires étrangers, notamment à Cambridge dans le cadre d'une fellowship au très célèbre Churchill College et à l’Université La Sapienza de Rome.

Parallèlement à ses activités de laboratoire, Christian Janot fut un enseignant remarquable. Tous ses élèves se souviennent de ses cours passionnés, clairs et structurés, ces cours qui donnent envie de "faire de la physique". Il est, avec Maurice Gerl, l'auteur d’une série de trois ouvrages d’enseignement de premier cycle intitulés "Relativité électromagnétisme", "Caractère quantique matière et rayonnement" et "Thermodynamique et physique statistique".

Auteur ou coauteur de 250 publications et de 13 livres, directeur de nombreuses thèses, Christian Janot laisse un héritage incontestable, tant au travers de ses élèves que par les développements des thématiques qu’il a initiées.

Christian Janot s’est éteint paisiblement le 23 février 2022. Nous avons une pensée pour sa famille et notamment son épouse Marité qui a été notre collègue à l’Université Henri Poincaré.

Légendes des photos :

Photo 1 : Christian Janot lors du symposium Quasicrystals Today (2012)
Photo 2 : Christian Janot Assistant de TD en 1964
Photo 3 : Très sportif, Christian Janot a été fervent joueur de football dans l’équipe du laboratoire, en particulier contre l’équipe de l’Université de Göttingen, avec qui le laboratoire avait noué de nombreuses collaborations scientifiques

 

 

Image
Christian Janot lors du symposium Quasicrystals Today (2012)
Christian Janot Assistant de TD en 1964
Très sportif, Christian Janot a été fervent joueur de football dans l’équipe du laboratoire